« Fin de l’abondance et grande démission
Nombre de dirigeants de structures sociales et médico-sociales font état d’importantes difficultés de recrutement et de remplacement de personnels. Certes, ils ne sont pas les seuls : l’action sanitaire connait une véritable fuite de praticiens, tout comme l’Éducation nationale, sans parler d’autres secteurs d’activité comme l’hôtellerie et la restauration qui ne parviennent plus à attirer les forces vives, tandis que les offres d’emploi se multiplient. Le problème s’avère suffisamment préoccupant pour avoir entrainé une recherche et la parution récente d’un rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) : « Quel avenir pour les métiers de la cohésion sociale ? » qui formule une vingtaine de préconisations afin de revaloriser en urgence la cohésion sociale. Le spot télévisuel qui passe en boucle appelant au recrutement des métiers du soin et de l’accompagnement va dans le même sens.
Les causes de ce manque évident d’attractivité s’avèrent multiples et témoignent d’une évolution historique des motivations et des parcours professionnels, tout comme des champs précités d’activité eux-mêmes,[1] mais plus encore d’une véritable mutation sociétale. Le message du Président de la République à propos de la « fin de l’abondance » est loin d’être anecdotique mais annonce, l’air de rien, la couleur (douleur) des prochaines décennies.
Certes, il existe des facteurs objectifs à cet « éloignement » du monde du travail (pour employer l’euphémisme officiel), tels que le déclin et le vieillissement démographiques[2], l’allongement des études, la déconsidération du travail manuel, les conditions d’assistance propres à la France (et uniques au monde), la progression de l’économie parallèle, la baisse des rémunérations eu égard à l’augmentation considérable du coût de la vie, une normalisation excessive et l’accroissement du travail administratif, la détérioration des conditions de travail, du climat social et des relations civiles en général, notamment avec les publics, etc., mais s’ils sont sérieusement à prendre en compte, suffisent-ils à expliquer à eux seuls la mutation du monde du travail que nous vivons ?
[1] Lire à ce titre le très éclairant article de Jean-Pierre Hardy : « La fusion des bureaucraties administratives, associatives et politiques dans le secteur social » in La Revue des affaires sociales, La Documentation Française, 2022-2, p. 105-119.
[2] Nous sommes passés de 5 actifs pour un inactif dans les années 50 à 1,9 pour 1 aujourd’hui et bientôt 1,7/1.
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